27 novembre 2018 : On ne change pas les bonnes habitudes ! Réveil matinal et pluvieux ! La principale différence réside dans la température. Il fait plus frais, l’altitude expliquant ce changement. J’ai définitivement laissé tomber l’idée de visiter la forêt de bambous de Hsitou, je porte mon dévolu sur le Parc National de Yushan. Je ne sais pas à quoi m’attendre mais si ce parc est du même acabit que celui de Taroko, je devrais en prendre plein les yeux !
Hier soir, mon avancée fut stoppée par des barrières. La route des montagnes était fermée, et n’ouvre que ce matin à 7h. J’ai déjà pris de l’avance et attends patiemment que l’agent ouvre la voie. 6h53 très précisément, l’aventure peut commencer. Quelques kilomètres plus loin, des panneaux m’annoncent officiellement l’entrée du Parc National. Comme si cette indication pouvait tout changer, c’est le moment que j’ai choisi pour être plus attentif. Attentif au moindre mouvement aux abords du goudron, à la lisière de la forêt ou sur les branches… alors que, voyons les choses en face, 2 ou 3 kilomètres avant ce panneau, le décor était sensiblement le même, le milieu et le climat de même, et ils offraient peut-être autant de possibilités d’observations. Je ne suis pas le seul sur cette route. Les taïwanais sont férus de randonnées et équipés en conséquence. Et le petit parking donnant accès aux différents sentiers est rapidement pris d’assaut par toutes sortes de véhicules. Je laisse la foule se disperser et continue quelques kilomètres, rapidement arrêté par le panneau indiquant la fin du parc ! Déjà ! C’est tout ! Le parc est-il si petit que ça ?
Demi-tour. Je retourne au parking, la foule est déjà moindre. Beaucoup sont déjà partis à la conquête des sommets, un périple de plusieurs jours durant lesquels ils vont gravir le point culminant de Taïwan, le Mont Jade, qui dépasse allègrement les 3000m d’altitude. Au delà de certains points, un permis est nécessaire pour continuer, je me contente donc des sentiers en périphérie du parking. D’après le plan que j’ai sous les yeux, le terrain de jeu qui s’ouvre devant moi est déjà prometteur. Je vois des forêts, des ascensions… de quoi faire mon bonheur. Mais avant cela, une première pause photo s’impose. Une famille de macaques est dispersée de chaque coté de la route. Le froid et l’humidité renforcent la couleur rose de leur face, alors que leur épaisse fourrure grise les en protège efficacement.
Macaque de Formose
Je m’accorde encore quelques minutes sur le parking. Premièrement, histoire qu’il se vide un peu. Et deuxièmement, histoire d’y faire quelques premières observations. On n’y pense pas toujours, mais ils peuvent souvent accueillir une faune insoupçonnée, surtout lorsqu’ils retrouvent leur calme. Le petit parking, et la route par la même occasion, surplombent une vallée, dont on ne voit malheureusement pas grand-chose. Le coupable en est comme souvent la météo. Une épaisse brume se soulève doucement et par intermittence laisse deviner un paysage incroyable. Je croise les doigts pour que les éléments soient plus cléments avec moi, que le soleil se lève peu à peu et qu’au moins à mon départ, je puisse admirer le panorama.
Des arbres me séparent de ce point de vue, des feuillus et des épineux, une forêt mixte. Aussi mixte que l’est le groupe d’oiseaux qui vient de se poser furtivement. Aussi furtivement qu’il vient de décoller, pour se reposer quelques mètres plus loin. En fait, une fois dans un arbre, tout le monde se disperse, ça virevolte de partout et ne tient pas en place. Je détecte Mésanges montagnardes, Roitelets de Taïwan, Mésanges à tête rousse et Yuhinas de Taïwan. Le bal des endémiques commencent. Les spécialités locales s’affichent fièrement. Aussi fièrement qu’il est difficile de les immortaliser, c’est dire ! Quand on connait les conditions, je trouve que je m’en tire plutôt bien avec deux espèces sur quatre… la Mésange de Taïwan n’est pas une espèce endémique mais pourrait le devenir à terme, puisqu’elle est déjà une ssp endémique et qu’aucun échange de population n’a lieu avec les populations continentales. L’évolution fera le reste. Des Cassenoix mouchetés s’égosillent au sommet des arbres et un cervidé non identifié fait un passage éclair.
Mésange montagnarde
Roitelet de Taïwan
J’ai étudié en détail les marches à faire et la marche à suivre ! Je découvre ainsi, à l’écart du parking, un sentier que tout le monde semble déserter. Pour y accéder, je dois suivre la route sur un peu moins d’un kilomètre, et il devrait apparaître sur ma droite. Autant le parking est bondé, autant la route est déserte. En fait, tout le monde se rue dans le parc lors de l’ouverture des barrières, ensuite tout devient plus calme. En optant pour ce sentier à l’écart de tout, j’opte également pour la possibilité de voir très peu de personnes à mon retour et donc, pouvoir arpenter les autres sentiers au calme et sans risque de dérangement de la faune locale. Si je ne vois rien ou très peu, cela m’enlève une excuse et je ne pourrai en toute objectivité ne m’en prendre qu’à moi-même. Sur ma droite, la forêt semble s’étendre sans fin, d’autant que tout n’est que montagne et que semble se dresser un mur végétal. Sur ma gauche, le décor est le même. Des arbres ! La seule différence, et elle est de taille, c’est qu’au lieu de monter, les arbres descendent. La brume est toujours là, mais le vent jouant avec elle, permet d’assister à un spectacle à couper le souffle… à moins que ça ne soit le froid.
Le sentier se présente devant moi et s’efface dans la forêt. Au début tout va bien, bien délimité et presque lisse… et rapidement les cailloux et les racines prennent le dessus. Le dénivelé en impose également… mais quoi de plus normal, l’ascension d’une montagne s’accompagne forcément de montées. Dans le cas présent, cela monte, puis ça redescend. C’est technique, à tel point qu’à un endroit, une corde est fixée pour offrir une prise et permettre de monter en rappel. Dans ces conditions, les distances semblent s’allonger, doubler… les flèches indiquant le sommet à 600m et le point de départ à 200 paraissent inversées… Les branches au dessus de ma tête me protègent des intempéries qui malgré mes prières ne daignent pas s’éclipser. Je ne demande pourtant pas grand-chose, juste la possibilité d’avoir un point de vue sur le Mont Jade et ses frères et soeurs. Mais, comme je le craignais, le sommet ne m’offre que la possibilité d’une vision grise… et cette fois, pas de mouvements de brume, pas de paysages non plus… tout autour de moi n’est que gris uniforme. Pas une montagne, pas même une silhouette qu’on ne devinerait à peine… rien… J’entame une redescente, afin de rejoindre un autre sentier qui devrait me guider vers un autre sommet où je l’espère la vue sera plus dégagée.
La descente se fait à peu près à la même vitesse que la montée. C’est assez abrupte par endroit, je fais attention où je pose les pieds, évite les racines et les cailloux saillants. Il serait dommage de se faire une cheville ici… En ce qui concerne les oiseaux, c’est assez pauvre. Du moins visuellement… comme pour le reste finalement. Par contre, je les entends, ça se faufile entre les branches, ça piaille et disparaît. Et puis débarque une vision irréelle ! L’éclair de ce sentier ! L’oiseau qui fait dire que je ne me suis pas aventuré ici pour rien ! Celui qui me fera dire, au moins j’aurai vu un Rossignol de Johnston ! Un nouvel endémique ! Un de plus ! Un nouvel oiseau sur ma liste ! Une nouvelle coche ! Et non seulement je le vois, mais je parviens tant bien que mal à le prendre en photo. Il a changé de branche, la mise au point ne se fait pas… ou plutôt se fait sur la feuille devant lui… je me décale… fais ma mise au point sur la branche qui lui sert de support et puis effectue un mouvement de translation sur la droite ! La mise au point est bonne, je déclenche ! Magnifique oiseau ! Peut-être mon préféré de ce début de voyage !
Rossignol de Johnston
Quelques minutes plus tard et un arrêt imprévu mais important à la voiture, j’entame un nouveau sentier. Je suis au sec, j’ai changé de tee-shirt, rangé ma veste et sorti ma cape de pluie. Je sens que mes pieds prennent l’eau progressivement, pour le moment c’est supportable. Je préfère garder quelques paires de chaussettes et mon autre paire de chaussures au sec, et ainsi avoir les pieds au chaud lorsque je reprendrai la route. Je peux très bien supporter un peu d’eau.
Ce sentier monte lui aussi et au détour d’un virage un Faisan mikado me passe devant en courant pour se réfugier dans la végétation… à travers le couvert végétal je ne verrai que quelques plumes noires disparaître progressivement dans l’obscurité du sous-bois. Rien de plus à signaler. Je parviens sans encombre au sommet qui m’offre lui aussi un superbe point de vue sur… rien ! Un peu déçu mais pas abattu je continue mon avancée. Sur la gauche, un sentier me ferait doucement revenir au parking. J’opte pour l’autre, celui qui, sur ma droite, part pour un autre sommet qui devrait, en théorie, permettre une observation du Mont Jade. Sauf que la théorie a du plomb dans l’aile aujourd’hui, alors je ne me fais pas d’idée. Je me contente de ce que j’ai sous les yeux. Si la vue des montagnes accentuerait davantage les cotés positifs de cette journée, j’ai beaucoup de mal, en faisant abstraction de mes pieds mouillés, à trouver des points négatifs. La forêt a ce pouvoir sur moi ! Je la trouve fascinante, envoutante… je suis toujours émerveillé. Et ce sentiment s’accroit lorsque qu’un de ses habitants se montre ! Je suis arrivé en territoire cassenoix ! Ils sont partout, s’appellent, se répondent et se montrent. Je parviens au bout du sentier… et ne vois toujours rien… mais le principal est ailleurs ! « On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux »
Cassenoix moucheté
Je retourne sur mes pas, et parviens jusqu’au sommet précédent. La vue n’est pas meilleure… je prends le chemin qui s’élance devant moi, celui qui doit me ramener à la voiture. Je marche sur une sorte de crête. Je suis au sommet de la montagne, je le vois, cela descend de chacun des deux cotés sans que ça soit réellement abrupte. Parfois, les arbres s’écartent et laissent apparaître ce que l’on pourrait apparenter à une clairière. Parfois, un plan d’eau temporaire s’étale au sol. Parfois, des panneaux indiquent la présence d’ours ! Parfois, des pièges photographiques ornent les troncs des pins, ne faisant qu’amplifier un sentiment étrange. Comme en Guyane avec les jaguars, ici c’est avec les ours, même si la densité de plantigrades a fortement baissé, on sait qu’ils sont là, quelque part, invisibles et qu’eux, nous ont probablement vus depuis longtemps ou tout du moins repérés. Cela donne une excitation mêlée d’appréhension et d’envie, un ressenti pas désagréable mais curieux.
Mais point de plantigrades pour aujourd’hui, un groupe d’Alcippes de Taïwan s’efface dans les bambous sur ma gauche. Devant moi, au sol, deux oiseaux sur la mousse picorent. Le premier part se dissimuler à son tour. Le deuxième est moins farouche. Je ne bouge pas, je suis à bonne distance même. Je tente de prendre une photo pour assurer le coup, avant qu’il ne s’en aille. Et il s’en va… dans ma direction. Il sautille sur le chemin, puis s’arrête. Je ne bouge toujours pas. Ma présence doit éveiller sa curiosité, il s’approche de nouveau, stoppe son élan et reprend de plus belle… jusqu’à mes chaussures… il est à mes pieds ! Puis, il marque un petit écart et s’immobilise au sommet d’une petite butte sur ma droite ! C’est un Garrulaxe du Morrison ! Un oiseau endémique qui vient marquer ma cinquantième nouvelle espèce du voyage ! Je n’aurais pu espérer mieux !
Je reprends mon chemin et arrive à un croisement. Je prends sur ma gauche. Il ne me reste plus que quelques kilomètres à faire pour atteindre ma voiture, mais je n’ai plus à changer de voie. C’est la fin qui se rapproche à grand pas. D’autant que l’heure tourne et que j’aimerais quitter les lieux avant la tombée de la nuit.
Un groupe de Mésanges noires fréquentent le bout des branches de quelques pins, toujours aussi vives. Une nouvelle fois, il s’agit d’une sous-espèce endémique. Quelques centaines de mètres plus loin, un nouveau duo de Garrulaxes du Morrison se montre. Observation cocasse, de deux individus prenant leur bain dans une flaque, alors que la pluie ne cesse de tomber.
Mésange noire
Garrulaxe du Morrison
Alors qu’il ne me reste qu’un ultime kilomètre pour accéder au parking, je tombe sur le centre d’accueil du parc ! Normal ! J’en profite pour me mettre au chaud. L’agent de l’accueil est apparemment heureux de me voir. Ce n’est pas la première fois que ça arrive, la très grande majorité des touristes sont d’origine asiatique, alors quand un occidental arrive, ils sont aux petits soins. On m’a déjà pris en photo, on s’émerveille lorsque je salue en chinois et d’après ce qu’on m’a dit ma façon de le prononcer est « smooth ». Il s’empresse de venir à ma rencontre et de m’installer dans une salle où me sera projeté un mini-documentaire sur le parc.
Puis j’apprends deux choses importantes. Tout d’abord je comprends la physionomie du parc ! Il y a trois accès ! Un au Nord-Ouest, c’est celui où je suis, un au Sud-Ouest et un au Sud-Est. Ces trois routes, ne couvrent qu’une infime partie du parc principalement marqué par la chaîne de montagnes imposante qui le traverse du nord au sud. Il existe nombre de sentiers, dont certains se connectent entre eux mais pour la plupart, une autorisation est nécessaire, prouvant que nous avons le matériel adéquat pour nous aventurer dans le coeur du parc et prévenant les autorités de notre présence. Sécurité avant tout ! Cela sera donc pour une autre fois pour moi. Néanmoins, vu que je prévois de remonter l’île par la côte est, je me dis qu’un petit arrêt par l’accès du Sud-Est peut être une bonne idée !
Ensuite, j’apprends l’existence d’un parc national sur la côte ouest de Taïwan ! Cela tombe bien, c’est le coin dans lequel je voulais me rendre après-demain. Je relève l’info et regagne la voiture.
Mes pieds au sec, je démarre… et roule quelques kilomètres. Sur ma droite, la brume semble enfin vouloir se dissiper. Malheureusement, je ne suis pas du coté du Mont Jade que l’on ne peut voir qu’en arpentant les sentiers de rando, mais le paysage qui se dévoile peu à peu devant moi me laisse sans voix ! Décision est prise de repasser par le Yushan National Park à mon retour.
Je roule, je roule, je roule… et arrive plus vite que ce que je ne le pensais à mon hôtel ! Si vite, qu’il ne fait pas encore nuit ! Je suis aux alentours d’Alishan dont la forêt est réputée pour son intérêt ornithologique ! Demain, c’est là-bas que j’irai !
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