Vers le Chili et au-delà !

29 avril 2019 : L’aventure peut commencer ! Enfin ! Je vais pouvoir sortir des sentiers battus, de la ville, explorer ! Ma course est passée et j’ai récupéré mon binôme de voyage. Ça promet de crapahuter, de marcher, de s’épuiser, d’en prendre plein les yeux ! Le programme est fixé, la voiture récupérée et l’autorisation de sortie du territoire validée mais pas encore en notre possession ! Première étape : le Perito Moreno ! Je concevais difficilement de partir en expédition sur les routes et pistes sans avoir fait découvrir à Colin le puissant glacier, et sans avoir pris le temps de l’admirer comme il se doit sous toutes les coutures. C’est un incontournable du voyage et aussi principale raison de mon passage en Patagonie. Je n’étais pas sûr d’avoir le temps de l’approfondir à la fin du périple, alors je ne prends pas le risque de repousser l’échéance.

Comme d’hab, je me lève tôt. C’est involontaire, c’est le décalage horaire qui décide pour moi ! Colin en fait tout autant, ça tombe bien. On rassemble nos affaires et on va pouvoir partir. Je fais rugir le puma qu’il y a dans le moteur de notre voiture et avale les kilomètres qui nous séparent du parc. Comme avant-hier, jour de la course et de ma première venue au Perito, le paysage tarde à montrer l’étendue de sa beauté. Le soleil se lève peu à peu et doucement illumine les cieux… doucement seulement, car les nuages sont bien présents, le ciel gris aussi… et quelques flocons de neige sont mêmes à prévoir. Du moins, c’est ce qu’annonce la météo et je ne sais pas si elle est vraiment fiable. Hier, il devait y avoir des orages, et aucune goutte n’a été déclarée…

Nous franchissons la porte du parc, nous ne sommes pas les premiers, pas les seuls non plus. Des bus de touristes arrivent, il va falloir partir de l’accueil avant eux et tacher de ne pas se faire rattraper. La mission relève du domaine du réalisable. La route serpente dans la forêt, le vent souffle et envoie les premiers flocons s’écraser sur le pare-brise. Et comme il y a deux jours, la magie fait son oeuvre. Au détour d’un virage, le premier aperçu du géant de glace ne nous laisse pas de glace justement… Colin laisse échapper le même « Wooooooow ! » que moi avant hier ! Je suis heureux qu’il ressente ce même sentiment. Le voyage commence et s’annonce bien !

DSC09590Perito Moreno

Nous repartons du mirador alors que le bus de touristes arrive à peine. Il y a de fortes chances pour qu’il reste plus longtemps que nous : la guerre des selfies a déjà commencé.

Je scrute les environs, mais aucun oiseau ne se montre pour l’instant, tout juste les Caracaras huppés omniprésents sous ces latitudes. Je garde néanmoins l’oeil ouvert. Nous arrivons au restaurant, lieu de départ des différentes passerelles. Plusieurs parcours sont ainsi proposés et parfois se croisent. Nous décidons d’improviser selon nos envies du moment. Nous en prenons un et bifurquons sur un autre avant de rattraper le premier un peu plus loin et de redescendre sur un troisième. Nous cherchons, la meilleure vue, celle qui nous fera sentir le plus petit possible, celle qui nous rabaissera au rang de parasite. Un point de vue s’ouvre devant nous et laisse apparaître tout le gigantisme de la bête ! Derrière les arbres, de la glace à perte de vue ! Sans doute ma vue préférée !

Les sentiers se suivent et ne se ressemblent pas. Chaque point de vue nous offre un détail différent, un reflet différent. Nous allons au plus près, les craquements sont impressionnants et quelques blocs de glace s’échouent lourdement dans le lac provoquant une petite vague qui disparait doucement. Tantôt grise, tantôt blanche, parfois noire, souvent bleue, les couleurs sont incroyables et les détails saisissants.

Nous continuons notre exploration en prenant la passerelle sur notre droite. Nous sommes presque seuls, les touristes ne nous ont pas rattrapés. Seuls quelques courageux lève-tôt nous ont devancés ! Nous arrivons sur la plateforme suivante et marquons un temps d’arrêt. Un détail me turlupine. Un morceau de glace au sommet du glacier me paraît survivre dans un équilibre instable qu’il n’avait pas il y a encore quelques minutes. A moins que ce soit l’angle de vue différent qui donne cette impression. Ce qui est totalement possible. Nous en débattons, mais j’ai l’intime conviction que sa position n’est pas la même. Peut-être ai-je raison, mais même si c’est le cas, combien de temps faudra-t-il avant qu’il ne s’écrase ? Le glacier est là depuis des millénaires, il faudra peut-être 50 ans avant que cela arrive, ou peut-être seulement quelques heures… nous tournons les talons quand du coin de l’oeil je vois se décrocher le bloc ! En un éclair, nous nous retrouvons scotchés à la barrière, comme attirés par la glace ! Non seulement le bloc glisse mais c’est tout un pan qui se décroche et se fracasse dans le lac ! La vague est bien plus grosse que toutes celles aperçues dans la matinée ! La visite se termine ainsi ! De la plus belle des manières. Nous nous dirigeons vers le parking en jetant régulièrement un regard en arrière, le Perito Moreno est bel et bien magique et envoutant.

Retour vers El Calafate. Nous revenons sur nos pas, il n’y a qu’une seule route. Et de toute façon nous devons y faire un arrêt pour récupérer la fameuse autorisation de sortie du territoire argentin avec la voiture de location et faire un petit ravitaillement. Nous découvrons le paysage que la nuit nous cachait ce matin. C’est la pampa ! De la végétation sèche à perte de vue… et des lamas. Des guanacos pour être plus précis. En fait, le lama est une espèce domestique descendant du guanaco, l’espèce sauvage.

A la première occasion, je me gare sur le coté pour admirer un groupe de ces camélidés. Ils ne semblent pas effrayés par la voiture. Ils se nourrissent tranquillement et il y a même un jeune avec eux.

De l’autre coté de la route, sont posées sur des piquets, des Buses aguia. C’est une grosse buse qui atteint environ 1,80m d’envergure, soit à peu de chose près l’équivalent de celle d’un petit Aigle royal ! Et l’étymologie ne s’y trompe pas puisque Aguia a la même origine que le mot « aigle ».

DSC09565Guanaco

DSC09630Buse aguia

Une fois ces deux espèces immortalisées, je rentre dans la voiture et préviens Colin : »- Je te le dis tout de suite. Je m’arrête si on croise un c…. !!! », « – Un quoi ? »

Je n’ai pas fini ma phrase et précipite mes yeux derrières les jumelles ! Un Condor des Andes est en train de nous survoler ! Je reprends ma phrase… « – J’allais te dire qu’on s’arrêterait si on croise un condor mais je crois qu’il y en a un justement ! ». Je sors de la voiture et tente une photo hasardeuse. Pas de qualité, pas cette fois, mais je m’en passerai ! C’est pour le souvenir ! Je reprends mes jumelles et le vois disparaitre à l’horizon. Mon premier Condor des Andes, et j’espère pas le dernier. Je ne pensais pas en voir un aussi tôt et aussi bas, alors que nous n’avons pas encore entamé les montagnes !

C’est un oiseau mythique, un oiseau, qui a défaut d’être rare, soulève la curiosité et l’attention des ornithos du monde entier par ses dimensions extraordinaires. 3,50m d’envergure, du bout d’une aile à l’autre, qui en font le deuxième oiseau volant terrestre actuel. Il n’est dépassé que par l’Albatros hurleur et ses 3,70m ! Bien loin des 7m de l’Argentavis magnificens, un autre condor éteint depuis environ 6 millions d’années… mais déjà impressionnant. On a tous déjà entendu parler du Condor des Andes, que ce soit par le biais d’un reportage ou les aventures de Tintin. C’est un oiseau qui ne laisse pas indifférent.

DSC09623Condor des Andes

Nous reprenons la route et arrivons à El Calafate. Après un léger contretemps nous obtenons finalement notre autorisation de sortie du territoire et, quelques courses plus tard, nous revoilà sur la route ! Nous disons au revoir à la civilisation et embarquons pour quelques centaines de kilomètres sans voir âmes qui vivent. Quelques centaines de kilomètres où nous ne croisons que des guanacos et parfois de petits groupes de Nandous de Darwin à bonne distance. Nous trouvons toutefois une petite station service isolée au milieu de nulle part… ensuite, c’est le désert !

La route se transforme en piste qui ne semble pas beaucoup empruntée, dominée par les moutons et par d’étranges épouvantails à l’allure de sorcières… assez flippant. Au loin, la Cordillère des Andes se dresse fièrement et parait grandir à vue d’oeil. Nous sommes au sud, à la base australe de la chaine de montagnes. Les plus hautes montagnes n’atteignent pas des sommets et le point culminant dépasse péniblement les 3 000m, mais l’ambiance est là. Un premier aperçu convaincant, d’autant que les montagnes apparaissent d’un seul coup, sans transition. Pas de petites collines ou de zone tampon, la montagne succède directement à la pampa !

DSC09632

Fin de la terre, retour sur du goudron. La piste rejoint une route. Voilà qui va nous faire du bien… et  à la voiture aussi. Autant la piste est amusante au début, autant elle en devient rapidement lassante, usante tant pour les organismes que pour la mécanique.

Dans la végétation basse, surgissent parfois au dernier moment des petits groupes de nandous. Souvent éloignés de la route, à la première occasion et lorsque la distance est raisonnable je stoppe la voiture. Voici une espèce que je voulais voir également. Si elle n’était pas au rang du Toucan toco et du Condor des Andes dans mes préférences, elle trône néanmoins sur la troisième place du podium.

Malgré leur ressemblance avec les autruches et autres émeus, les nandous ne sont ni de la même famille, ni du même ordre que ces puissants oiseaux coureurs. D’ailleurs, les autruches et les émeus ne font pas partie du même ordre non plus. En fait, tous ces oiseaux sont issue d’une convergence évolutive, un mécanisme qui pousse les espèces à développer des points communs sur le plan physique ou comportemental liés aux contraintes du milieu. Aptères, ces oiseaux sont de redoutables coureurs et, grâce à ses puissantes pattes et ses trois doigts, le Nandou de Darwin peut atteindre la vitesse de 50km/h.

DSC09634Nandou de Darwin

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Nous quittons l’Argentine et sa pampa. Nous sommes entre deux pays et sitôt le panneau du Chili franchit, la courte piste devient une belle route goudronnée. Après quelques péripéties (une sombre histoire de tampon, la confiscation de nos tomates, oeufs et bananes…), nous rentrons dans ce nouveau pays… et le paysage change aussitôt… l’ensoleillement aussi. La nuit arrive déjà, il nous reste environ une heure de route. Les phares font ressortir les yeux des guanacos, des lapins et d’une moufette. Nous restons sur nos gardes, la traversée d’un animal au dernier moment est si vite arrivé.

Nous arrivons finalement à notre bungalow, aux portes du Parc National Torres del Paine. Nous avons pu mettre de l’essence mais n’avons pas trouvé de distributeur et aucun village n’est à l’horizon. Et d’après les dernières infos recueillies, le parc ne prend pas la carte bleue… Nous passons la soirée à élaborer un plan… enfin plusieurs !

 

 

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